Toriyaba

Peintures du pays kassena

Le pays kassena est dans la province du Nahouri (sud du Burkina Faso). Les Kassena se partagent entre le Ghana et le Burkina Faso pour une population de 250 000 personnes environ. Le pays kassena s’étend sur un territoire qui part de Tiakane, Pô (la capitale), Tiébélé, Lankana, Zeiko etc…
Cette ethnie est surtout connue pour les peintures traditionnelles faites par les femmes sur les maisons et autres bâtiments.

Ces peintures sont faites avec des pigments naturels. C’est une exclusivité des femmes kassena. Ces peintures pouvaient tenir jusqu’à 5 ans mais depuis quelques années les orages se sont faits de plus en plus violents et détériorent les peintures. Il faut les refaire tous les deux ans ce qui coûte cher.
Ces peintures traditionnelles malheureusement ne se font plus guère sur les habitats récents. On peut les retrouver uniquement sur des ensembles anciens comme le Palais Royal de Tiébélé, une concession du village de Tangassogo ou bien encore la concession du chef de village de Gueunon.

MATERIEL POUR LES PEINTURES

Ces peintures sont réalisées en équipe de plusieurs femmes. Une femme passe les enduits, une autre le kaolin, une autre encore va dessiner les motifs, une autre va mettre la peintures des motifs…. Tous les enfants (filles comme garçons) apprennent à faire ces peintures. Une fois adulte, la création revient aux femmes.

Les pigments naturels deviennent compliqués à réunir car depuis quelques années certains ingrédients se font rares, comme le Néré (arbre) ou la terre de kaolin. Il faut aller de plus en plus loin pour les trouver ou bien alors les acheter. Leur coût finit par freiner la rénovation régulière des peintures.

Les ingrédients sont préparés à l’avance. En effet la sècheresse ambiante exige de terminer un mur dans la journée. Tous les ingrédients sont disposés dans des calebasses, broyés, prêts à être utilisés. Ils seront mélangés et malaxés au fur et à mesure.

Liste des besoins :

  • Bouse de zébus liquide : “Nabanou”
  • Latérite réduite en poudre : “Sôro”
  • Kaolin en poudre : “déra”
  • graphite en poudre : “Kandoua zom”
  • plumes de volaille pour pouvoir peindre : “Tchikougou”
  • Plusieurs cailloux de petite taille pour lisser le motif
  • Cailloux de petite taille avec un bord coupant pour faire les incisions
  • craie (cailloux blancs) pour les motifs de couleur blanche.
  • Décoction de plantes gluantes : “soro”. Cette dernière permet de fixer la graphite sur la latérite. (plante comestible et utilisée pour les sauces)
  • A la fin, on enduit d’une décoction de néré qui va servir de vernis et ainsi protéger les peintures


Craie blanche, plumes d’oiseaux et bouse liquide


La graphite est mélangée avec une décoction de Soro

Cailloux à bord tranchant pour inciser la peinture

Le travail s’organise sur plusieurs couches qu’il faut laisser sécher avant de passer à la suivante :

  • Mouiller la paroi qui va être peinte
  • Mélanger la poudre de kaolin avec de l’eau et un peu de bouse de zébus et l’étaler à la main
  • Passer une couche de bouse de vache
  • Passer une couche de latérite en poudre mélangée à de la bouse de vache
  • lisser la couche avec un cailloux plat

Le travail se fait depuis le toit ou le sol : pas d’échelle.


Fin de la couche de kaolin pendant que d’autres femmes diluent la latérite


La latérite en poudre est passée à la main par-dessus la couche de kaolin une fois sèche.


A l’aide d’une plume de volaille, la graphite est passée sur la latérite en formant
des motifs très précis que les femmes ont décidé ensemble.


Les zones blanches sont obtenues avec les craies : on crayonne comme pour un coloriage.


Une autre femme exécute les mêmes opérations depuis le sol, à peine juchée sur un tabouret


Une autre femme – spécialisée dans les incisions – va diviser la surface en plusieurs zones.
L’enduit est encore frais, elle incise à l’aide d’un cailloux au bord tranchant.


L’usage veut que le visiteur de passage laisse son emprunte sur le mur :
à droite une française de passage, à gauche le prince Anakan.
Néanmoins, les motifs sont dictés par les femmes : pas question de faire n’importe quoi.


Les motifs incisés sont peints avec de la graphite diluée à l’aide  d’une plume.
Les motifs blancs sont crayonnés, la couleur blanche apparaît en séchant.


La peinture est terminée. Une femme passe de l’eau avec un balai pour éviter un séchage trop rapide.
Demain le mur sera enduit d’une décoction de néré qui va permettre une meilleure protection des peintures.

SYMBOLIQUE DES MOTIFS

Tous les motifs exprimés donnent l’apparence de géométrie. En réalité ils sont la schématisation de motifs bien réels. Ils reflètent la vie quotidienne, les espoirs, la vie de famille….

Nous trouvons trois types de formes différentes.

  • motifs peints directement sur le crépis
  • motifs incisés et peints
  • motifs en relief


A gauche un balai – à droite un épis de mil


Une chèvre et une pintade.


Un filet de pêche et un cauris (coquillage)


La scarification – à droite une pointe de flèche ou une daba


A gauche une bouche scarifiée – à droite une pipe : ce motif figure sur la maison-mère pour signaler le retour d’un jeune de la famille qui était parti depuis longtemps.


A gauche : motifs peints sur une maison-mère (d’où la présence d’une canne) : on y retrouve les motifs de la daba, un tambour d’aisselle, une tortue et un serpent. A droite un lézard présenté en relief.

Article réalisé grâce à l’aide du Prince Anayan Amoukitan
de la famille royale de Tiébélé
(Crédit photos : A. Chalamon)

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