Tout le monde connait et admire les pagnes teintés en indigo, ce bleu profond qui malheureusement déteint assez vite.
Voici le processus traditionnel de fabrication de cette teinture. Le reportage a été fait au village de Namoukouka (près de Koupela) grâce à la gentillesse de Tougma Roaléan (dit “Zamzamin”) qui a accepté de tout expliquer.
Le travail se fait essentiellement en saison pluvieuse (entre juin et octobre).
Il faut aller cueillir des feuilles fraîches auprès d’un buisson appelé l'”indigotier” mais qu’on appelle “garè” en mooré. C’est en effet pendant la saison pluvieuse qu’il a le plus beau feuillage.
Il faut beaucoup de feuilles que l’on va piler et mettre en boules à sécher au soleil.
La plante Garè, ici photo prise en saison sèche donc, la plante est un peu rachitique.
Il faut ensuite chercher un arbre mort soit un karité, soit un néré ou kiaglega. On va le brûler afin d’en recueillir la cendre.
Pour fabriquer l’indigo il faut un petit puits ; on creuse un trou (gar-bogo, en moore) dans la terre de 3 à 4 mètres de profondeur que l’on va cimenter à l’intérieur et sur les bords extérieurs. Un même trou peut servir d’une année sur l’autre mais il faut en vérifier à chaque fois l’étanchéité, et surtout vider la teinture de l’année précédente car on ne prépare la teinture qu’une seule fois pour toute l’année. Cette vieille teinture en boules (gar-bindu) va être brûlée avec l’arbre mort pour en récupérer la cendre.
Une fois le puits bien nettoyé, on peut passer à l’étape suivante.
Les boules de garè de l’année dernière, enlevées du fonds du trou,
elles conservent l’humidité car l’eau reste au fond du trou ;
elles vont sécher au soleil pour être mêlées à la cendre.
Les boules de garè de l’année précédente sont séchées et vont être mélangées
à l’arbre mort pour récupérer la cendre après l’avoir brûlé
On va mettre dans le trou cimenté 5 à 7 boules de garè fraîchement pilées et séchées au soleil.
On place des bouts de bois sur le trou, liés ensemble afin qu’ils ne bougent pas. On mets dessus une passoire en argile (en mooré : toika, les dolotières s’en servent pour filtrer le dolo).
Le trou à indigo, cimenté dedans et sur les côtés.
On place cette passoire en équilibre sur les morceaux de bois et elle va être remplie de la cendre de bois additionnée des boules de l’année précédente. On verse de l’eau sur cette passoire qui va donc être filtrée par la cendre et se déposer dans le trou. Il faut petit à petit remplir le trou.
Prendre une longue perche en bois et remuer le mélange pendant 7 jours. le mélange prend alors une couleur noirâtre.
Le 8ème jour, on peut prendre deux pagnes blancs (couleur du tissage brut) et on le trempe dans ce mélange. Il convient de se protéger les mains avec des gants car cette teinture est difficile à partir. Les pagnes sont laissés la journée, à tremper comme on lave du linge. Le lendemain on en trempera deux autres.
Le pagne est mis à sécher au soleil, une fois sec on va le frapper (comme pour le basin) avec des morceaux de bois afin de le lisser, comme un repassage.
La teinture indigo va rester dans le trou jusqu’à l’année suivante.
Cette teinture traditionnelle n’est pas fixée donc elle a tendance à déteindre aux lavages.
Le fabricant d’indigo est appelé “gar losga“. Il achète des pagnes écrus (tissés avec des fils non teints) au tisserand et va les teindre en indigo avant de les vendre – Les femmes peuvent également venir lui confier des pagnes pour les teindre.
Article réalisé par Tougma Alfred
Association Laagm Taaba à Namoukouka
Membre de l’association Synergie Burkina.
(Crédit photos : A. Tougma)